Ce que disent les rixes de Saint-Chéron et Boussy Saint-Antoine
Cette semaine a été marquée par plusieurs rixes mortelles dans la région parisienne.
Dans l’ensemble, je n’ai été surpris, ni par la teneur des commentaires médiatiques, ni par la réaction des politiques. J’ai grandi dans l’un de ces quartiers il y a un demi-siècle déjà !
Quand j’ai intégré mon HLM, j’ai eu la même impression que Louis XIV découvrant le château de Versailles. Je m’y suis épanoui, me suis fait des copains et copines. Quand un petit voisin partait en vrille, le sésame était alors : « Arrête ou je le dis à ton père ! »
En cinquante ans, les pères ont perdu leur boulot et leur exemplarité, les blancs sont partis, la parabole, la drogue et les fréros ont rempli le vide laissé par la puissance publique, les travailleurs sociaux, l’école et les emplois.
Quand j’y retourne, je vois une barrière à l’entrée, un interphone devant la porte et plus aucun enfant dans l’ère de jeu réduite à peau de chagrin.
Plus de commissariat, plus d’association de locataires, une école primaire zoologique où les enseignants exercent dans un manque de moyens et un environnement digne d’un pays du tiers monde. Les adultes ont démissionné et deux générations sont sacrifiées. Le trafic de drogue a pignon sur rue et on y fait carrière, les vieux y cooptant les plus jeunes. Les séries et les réseaux sociaux permettent aux bandes de vivre dans une culture complètement déconnectée de celle des générations précédentes. Une industrie facile, d’accès du rap à Netflix, gobe ses milliers de cervelles disponibles et malléables. De temps en temps, les intégristes, en fonction de leur calendrier régulent ou attisent le trafic.
Après une rixe, ils viennent en aide à la famille de la victime, se substituant au vu et au su de tous aux assistants sociaux dont on ne connaît plus le nom ni l’utilité depuis des décennies.
Comme à chaque fois, le Ministre de l’Intérieur promettra des moyens dont il ne dispose pas.
Comme à chaque fois, on déplorera la relégation de quartiers malgré l’argent public que l’on dépense pour eux.
Comme à chaque fois, les intégristes recruteront de nouveaux adeptes, surfant sur ce climat de la renonciation de l’Etat et les collusions d’élus locaux en mal d’interlocuteurs dans des quartiers qu’ils craignent d’arpenter.
Les solutions existent pourtant. Les milliers de militants associatifs qui se débattent à mains nues dans ces quartiers les portent ! Réinstaurer la police de proximité, créer massivement des écoles des parents, réarmer les mères et les soutenir massivement dans leurs projets professionnels. Lutter efficacement contre les trafics en les réprimant mais aussi en permettant à ceux qui ont des droits d’y recourir, réintroduire de la mixité sociale dans les logements sociaux, accélérer le dédoublement des classes, augmenter massivement les moyens des maternelles et des primaires dans les quartiers les plus sinistrés, créer un Erasmus intérieur pour que les populations urbaines et rurales se rencontrent.
Nous ne sommes plus au temps de casque d’or et des apaches ! Nous sommes au temps de l’atomisation de notre société, de sa fragmentation en communautés parfois religieuses, souvent générationnelles qui n’ont plus les mêmes codes et sont en passe de ne plus se comprendre.
Amicalement vôtre,
Hamou