#Lecture – Hugo Loriot : « L’Empereur, c’est moi »
« Personne dans mon cachot. Quitte à être prisonnier, je préfère être maître de ma cellule. Je serai mon propre geôlier. Je suis le seul à avoir les clés et je ne vous donnerai pas les codes. »
Voilà une lecture qui n’épargne pas son lecteur. C’est un regard d’enfant, pourtant, qui oriente tout le récit de L’Empereur, c’est moi. Et empereur il y a, car la majesté hautaine du petit Hugo lui confère une position de supériorité vis-à-vis de ses camarades. Camarades de primaire qu’il ne cesse de disséquer, condamner, dévaluer aussi férocement qu’il le peut du haut de sa position d’empereur auto-proclamé. Dans les yeux d’Hugo, les enfants sont stupides, avides de pouvoir, assujettis à leur appétit. Surprenant jugement et surprenante lucidité, de la part d’un enfant lui-même âgé de 7 ans tout au plus. C’est qu’Hugo rejette en bloc le statut d’enfant que les adultes lui attribuent. Et force est de constater que la haine viscérale qu’il exprime dans ce texte, son désir de mourir, sa tendance morbide à l’auto-destruction ne correspondent pas à ceux d’un enfant. En tous cas pas à ceux de l’image stéréotypée qu’on attribue par convention aux enfants. Lecteurs avides de candeur, passez votre chemin.
La non-enfance d’Hugo rejaillit particulièrement dans le détournement, omniprésent dans le récit, des codes de contes de fées. « Je ne suis pas le Prince Charmant. Je ne saurai pas la réveiller. Je viens des ténèbres et je n’ai qu’un souhait : y retourner. Pour toujours » écrit Horiot. S’il est question de royaume, de château-fort et de dragon, c’est pour mieux illustrer Hugo contre le monde, Hugo entouré d’ennemis, qui cherchent à le faire rentrer dans le moule de l’enfance et de la norme. Mais ce dernier entend bien la conquérir, sa liberté, et ce même s’il doit en être dévoré de l’intérieur. Car L’Empereur c’est moi est avant tout cela, une lutte pour la liberté, une ode à l’affranchissement des carcans de la normalité et du pouvoir illégitime – ce dernier atteignant son paroxysme dans la salle de classe. Et en cela la portée de ce récit autobiographique va bien au-delà du champ de l’autisme.