Le héros et sa « victoire sur le handicap »

Homme noir brandissant un trophée de la main droite
Omar Sy à la cérémonie des Césars de 2012. Ph. Georges Biard, licence C.C. 3.0

Quel est le point commun entre les films français Monsieur Je-sais-Tout, mettant en scène un jeune adolescent autiste découvrant le foot, Tout le monde debout, avec Franck Dubosc en faux paraplégique séduit par une sportive (elle, vraie paraplégique) ; De Rouille et d’os, avec Marion Cotillard en dresseuse d’orques amputée des deux jambes ; enfin le fameux Intouchables, avec François Cluzet en milliardaire tétraplégique après un accident de parapente ?

Vous avez une idée ? Vous donnez votre langue au chat ?  

S’il n’y en avait qu’un !  

Aucun des personnages handicapés de ces films n’est joué par un acteur lui-même handicapé. Et avant tout, « dépasser le handicap » serait pour chacun de ces personnages filmiques le Graal ultime à atteindre, pour passer de l’état d’être diminué, forcément souffrant, à celui de sportif en pleine gloire. Du jeune autiste Léonard remportant sa « grande victoire sur son handicap », jusqu’à Paul le père et Julien le fils, terminant, comme il se doit, le triathlon Ironman sous les cris de joie de la foule.

Ce film, De Toutes nos Forces, est peut-être l’exception notable qui confirme la règle. Dans cette histoire où un père et son fils tétraplégique participent à un triathlon de l’extrême, le jeune Julien est joué par Fabien Héraud, lui-même tétraplégique. Il reste curieux que tout cinéphile ayant suivi les sorties françaises de ces cinq dernières années puisse en conclure que le handicap serait à 90 % synonyme de fauteuil roulant. Et que l’unique voie de réalisation passerait… par le sport ! Cette curieuse idée de victoires sportives « malgré » le handicap, fait à peu près oublier combien l’on peut compenser une absence, un manque, par le sur-développement d’une autre capacité. Les champions d’échecs et de Rubik’s Cube autistes le sont-ils « malgré » l’autisme, ou « grâce à » l’autisme ?

Espérons que la médiatisation des jeux paralympiques, brillant plus par son absence que par son omniprésence ces dernières années, puisse changer la donne. À cet égard, je considère comme un signal très encourageant la manière dont le Président de la République Emmanuel Macron a reçu les deux délégations d’athlètes olympiques et paralympiques présents aux jeux de Pyeongchang, en prenant son temps et en y mettant du sens.